vendredi 14 juin 2013

Lettre Ouverte à Martin Schulz à l'occasion de sa venue au Forum des Progressistes du PS

Dear Martin, Lieber Martin, Cher Martin,
 
Militant au sein du PSE, membre du SPD et du Parti Socialiste français, co-initiateur et Premier Signataire de l' appel "Europa geht Anders", www.uneautreeurope.eu, je suis également depuis 13 ans chef d'entreprise en informatique en Allemagne.
J'ai travaillé pour des startups berlinoise, un grand groupe informatique américain, où j'ai eu des responsabilités stratégiques pour EMEA ainsi que pour un groupe certes Japonais, mais produisant en Allemagne, dirigeant une filiale commerciale sur le marché germanophone DACH, contre la concurrence des produits chinois et américains.
 
Cher Martin, Dear Martin, Lieber Martin,
Commercial, je sais une chose importante: on ne commence pas une négociation lorsqu'on est soi même en position de faiblesse. Il n'y a pas besoin d'avoir lu Sun Tze pour savoir qu'on engage uniquement les batailles que l'on peut gagner. La négociation Win-Win (gagnant-gagnant) suppose des acteurs à même hauteur d'yeux. En cas de déséquilibre, le plus faible doit mettre une stratégie du faible au fort en place qui suppose de pouvoir sortir à tout moment de la négociation. Il doit pouvoir commencer très haut l'exigence des négociations. Il doit se faire plus fort qu'il n'est.
L'Europe, comme tu le sais, comme tu l'as si souvent dit devant nous aux congrès du PSE où nous nous sommes déjà rencontré, est profondément affaiblie par les politiques désastreuses de gestion de la crise conduites par les conservateurs européens.
Nous en sommes à deux ans de récession. Le chômage des jeunes est dramatique. Les reculs sociaux et démocratiques ont en eux le ferment de nouveaux extrémismes.
Même l'Allemagne est touchée, évitant de justesse la récession au premier trimestre, révisant ses prévisions de croissance à un maigre 0,1% selon la Deutsche Bank.
 
Cher Martin, Dear Martin, Lieber Martin,
L'Europe n'aborde pas ces négociations unies. La France, seul Grand pays de l'Union dirigée par un gouvernement membre du PSE sans avoir besoin de partenaires de coalition, menace de mettre un veto pour des raisons légitimes mais insuffisantes.
De nombreux Atlantistes confondent malheureusement négociations commerciales et démonstration d'amitié politique, et seront prêts, à ce titre, à affaiblir les négociateurs de l'intérieur. Enfin, les intérêts de nos économies, de nos systèmes sociaux, divergent radicalement déjà au sein de l'Union.
Pourquoi le PSE devrait-il soutenir une négociation sur le Libre-Echange avec les Etats-Unis mettant en danger des acquis sociaux, des règles sanitaires et alimentaires, une économie de la culture, une régulation différente de la bio-éthique et de la génétique industrielle, et des emplois en Europe? Alors que l'Europe sur ces sujets n'est elle-même pas encore unie?
 
Mon experience professionnelle me le confirme, cher Martin, Lieber Martin, Dear Martin.
Un accord Win-Win sur ces bases est impossible.
 
Alors, les conditions sociales n'étant pas réunies, le rapport de force défavorable, nos positions divisées, ne nous laissons pas aveugler par la promesse chimérique d'emplois que recelerait un tel accord.
 
Les temps ne sont pas mûrs pour une telle négociation.
 
Ne l'engageons pas!

dimanche 2 juin 2013

Convention Europe: Nous n'avons pas d'autre choix que d'être audacieux!

Chères et chers camarades,
 
Le Parti Socialiste est appelé à voter. Le 6 Juin, nous voterons pour le texte de la Convention Europe.
Nous avons aussi l'opportunité de décider de renforcer le texte sur des éléments importants, avec 13 amendements différents.
 
Je souhaite vous rappeler toutes et tous l'importance de participer. Ce vote n'a pas lieu à n'importe lequel moment. Ce n'est pas seulement un vote interne pour la ligne doctrinale d'un parti. C'est un message fort que nous pouvons envoyer à un moment crucial de la construction européenne.
 
En effet, en fin de ce mois, les 27 et 28 Juin, aura lieu un Conseil de l'Europe décisif. La commission Européenne y présentera l'Instrument de Convergence et de Compétitivité, un traité supplémentaire ayant comme principal objectif d'inscrire dans le marbre des traités les principes idéologiques les plus conservateurs possibles, et empêcher, si jamais la gauche devait l'emporter en septembre 2013 en Allemagne et en Juin 2014 aux élections Européennes, une réorientation.
 
Très peu de progressistes vont siéger fin Juin au Conseil de l'Europe. La plupart d'entre eux sont en coalition, souvent avec des partis centristes ou conservateurs. Cela inclue plusieurs pays importants: l'Autriche, les Pays-Bas, l'Italie.
C'est pourquoi une député social-démocrate autrichienne, Sonja Ablinger, a cherché une alliance européenne large dans notre famille politique pour faire pression sur les membres du gouvernement SPÖ, et autres, et forcer celui-ci à prendre une position forte sur ces sujets.
Elle s'est appuyée sur le Forum des Gauches socialistes et social-démocrates dont je suis l'une des chevilles ouvrières, en obtenant le soutien de Hilde Mattheis au SPD et de Marie-Noëlle Lienemann au PS, entrainant depuis des verts autrichiens, des Linke allemands, ATTAC, le SEL italien, des députés du PSOE, les Economistes Atterrés.
C'est le sens de l'appel Pour une autre Europe http://www.uneautreeurope.eu/.
 
Un seul pays a donné une large majorité au parti socialiste local. Le chef de l'Etat comme le chef de gouvernement, issus de nos rangs, peuvent compter sur une majorité large à l'Assemblée, courte au Sénat. Ce pays a de plus une taille critique, tant du point de vue économique, politique, culturel que diplomatique.
Vous avez reconnu ce pays: c'est nous, c'est la France.
 
François Hollande porte donc pour ce Conseil tous les espoirs des progressistes européens. Il ne s'agit pas de s'interroger si tel ou tel éditorialiste plus ou moins complice de l'ordre libéral approuverai ce texte ou le jugerai germanophobe, si telle ou telle aile ou courant au sein du parti joue telle ou telle partition, il s'agit de prendre une responsabilité historique pour sauver l'espoir de construire un jour une Europe sociale, démocratique, écologique.
Et je peux vous le dire: tous les Européens convaincus du SPD, du SPÖ, en Espagne, en Italie, regardent ce débat. Tous attendent un signal fort, dans un contexte où le SPD déjà s'est relancé à gauche, se distanciant des réformes Schröder.
 
Le texte de la convention Europe est progressiste. Mais il n'est pas encore assez fort pour entamer un tel rapport de force, du faible au fort, face à tant de conservateurs.
Et nous avons vu que sans un fort vent arrière, François Hollande aura du mal à tenir un tel rapport de force seul.
Il a besoin de nous, ce texte a besoin de nous, tous les socialistes et sociaux-démocrates européens ont besoin de nous.
De plus, toute négociation, surtout dans une stratégie du faible au fort, doit partir d'un point très haut. Nous serons forcés de négocier des compromis. Ne commençons pas déjà par une position de compromis!
 
Chacun des 13 amendements est intéressant.
Il existe cependant trois questions fondamentales qui vont déterminer et le débat sur cet "Instrument de Compétitivité et de Convergence" et le visage de l'Europe des 10 années à venir:
- Le Pacte de stabilité et ses suites, avec la nécessité absolue de sortir d'une politique de consolidation budgétaire qui a échoué pour utiliser tous les instruments prévus par les traités pour relancer l'économie.
L'amendement 4 réclame également la suspension pure et simple du TSCG et de son absurde règle d'or européenne. Il est à noter que de fait ce Pacte est déjà suspendu, comme le démontre les deux ans de délai accordé par la Commission à la France pour atteindre les 3%. Cela va mieux en le disant.
- Le budget européen, et le rôle de la BCE, deux sujets liés, pour remettre et du contrôle démocratique et de la marge de manœuvre politique en situation de crise. Les amendements 8 et 13 sont essentiels ici pour renforcer le texte à un niveau qui permettra plus tard de faire des concessions sans retomber sur des positions à l'évidence conservatrices ou libérales.
- Le Traité de Libre-Echange avec les Etats-Unis, dont le projet d'ouvrir des négociations tombe au plus mauvais moment, alors que l'Europe faible n'y pourra faire prévaloir ses intérêts. Il parait important non pas seulement de le compléter de dispositions sociales et écologiques, cela serait un minimum, mais surtout d'en suspendre la négociation, amendement 10, tant que nous Européens ne seront pas sorti de la crise. Les gros yeux de certains devant les 150 Milliards de croissance à en attendre les rends aveugle que le prix de ces 150 Milliards n'est pas négociable lorsqu'on en a tellement besoin. Mieux vaut se concentrer comment les créer de par nos propres forces, plutôt que de nous vendre.
- L'amendement 13 enfin complète le texte en réunissant chacun de ces trois points, en les réunissant dans un ensemble cohérent.
 
Je vous demande donc d'assumer cette responsabilité européenne. Donnons à ce texte la force qu'il mérite!
Soyons par notre vote les amphétamines dont François Hollande, en négociation, aura besoin pour tenir ce marathon, et surtout pour tenir le rapport de force, ouvert au compromis, mais pas à la synthèse!
 
Amitiés socialistes,
Mathieu Pouydesseau
SPD Berlin
Membre de Forum Demokratische Linke
Mandataire de Maintenant la Gauche pour la Fédération des Français de l'Etranger du PS
Co-Initiateur et Premier Signataire de l'appel "Pour une autre Europe" www.uneautreeurope.eu